2013/08/08

L'Univers du Big Bang


L'Univers du Big Bang 

 |  Par Jean-Philippe Cazier
http://blogs.mediapart.fr/edition/bookclub/article/030813/lunivers-du-big-bang

Big Bang et au-delà – Balade en cosmologie, expose de manière abordable l’idée de Big Bang, ses conditions, ses composantes et implications. Sont également évoquées certaines des théories et hypothèses qui sont liées au Big Bang ou sont impliquées par lui et qui révolutionneraient notre image du monde. Big Bang et au-delà apparaît comme une réflexion sur les conditions, les limites et les possibilités de la cosmologie actuelle et n’hésite pas à aller du côté de la philosophie pour inciter à une nouvelle image du monde et de la pensée. Présentation du livre et interview de l’auteur, le physicien Aurélien Barrau


Big Bang et au-delà évoque les limites de l’Homme, celles de l’image qu’il se fait de lui-même et de l’Univers. L’Homme n’est pas celui qui, face au monde, le contemple et se le représente – pur regard souverain, intellect privilégié, à l’image de l’intellect divin. Il serait plutôt comme une fente dans le monde, un point de vue exprimant une section seulement de l’Univers – « Homme » étant le nom d’une longue histoire, celle d’un regard qui, par les deux fentes oculaires du crâne, capte la lumière d’une image qui le fascine, sans voir l’obscurité vertigineuse qui l’environne, confondant ce qu’il perçoit et ce qu’il pense avec le perceptible et le pensable en soi. Par ce spectacle, l’Homme invente sa propre image, celle d’un spectateur privilégié, sujet d’un regard qui est finalement celui de Dieu, nom que l’Homme se donne dans la nuit de son ignorance. Platon ne décrivait-il pas l’intellect comme un regard capable de contempler le réel en lui-même, sans ombre, sans nuit – de le contempler en tant que cosmos, univers déployé sous le regard des dieux, l’Homme devenu divin ?
La cosmologie contemporaine, à travers ses résultats effectifs mais aussi les spéculations auxquelles elle est conduite, développe un tout autre récit et multiplie les images de l’Univers, fait apparaître l’Univers comme une pluralité d’images disjointes, variables, lumineuses en même temps qu’obscures. Semblerait ainsi relativisée l’idée de cosmos – et ses corollaires – au profit de l’idée d’une multiplicité chaotique : un Univers fait de « mondes disjoints les uns des autres », conçu comme une « arborescence – peut-être une infinité – d’univers-bulles » régis par des lois physiques différentes ; un Univers, ou plutôt un Multivers, où tout est relationnel et mobile ; un Univers où l’espace aurait 9 dimensions, traversé par une énergie noire « qui ne ressemble à rien d’identifié à l’heure actuelle », habité par une matière noire invisible, où les lois sont contingentes et variables, peuplé de trous noirs, etc. C’est une autre image de l’Univers qui semble possible, une image d’autant plus paradoxale qu’elle est composée d’une pluralité d’images variables et séparées – un Univers a-cosmique, peut-être un « chaosmos », pour reprendre un terme que Deleuze et Guattari empruntèrent à Joyce…
C’est également une autre ontologie qui semble ainsi possible, peut-être débarrassée de ce qui semble majoritairement lui être nécessairement liée, à savoir les idées d’ordre, d’unité, d’identité, etc.  : « Bien au-delà de la seule science, la démarche permettrait de diffracter une nouvelle ontologie […]. Je crois qu’il faut […] envisager peut-être la possibilité d’un réel plus intrinsèquement multiple ».
C’est enfin une autre image de la pensée qui semble apparaître, celle d’une pensée qui à la fois doit intégrer le multiple dans sa logique et se rendre à l’évidence de sa contingence, des limites qui ne cessent de la parcourir, limites elles-mêmes multiples, sans cesse déplacées, sans cesse nouvelles. Ne retrouvons-nous pas la position de Pascal, que le silence éternel des espaces infinis effrayait – si l’on comprend qu’il ne s’agit pas ici de l’expression d’un effroi psychologique mais de celle d’une limite que la pensée rencontre, qui la plonge dans un vertige obscur et sans fond, mais aussi de la rencontre d’un Univers qui déborde notre entendement, nous met face à un inconnu qui, aveuglant notre pensée, la fissure autant qu’il appelle une nouvelle façon de penser ?

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